Chapitre 9 (partie 1) : Cri fané
Des arbres ombragés sommeillaient dans l'air calme du printemps, le manque de vent rendant la chaleur presque inconfortable.
Un sombre silence recouvrait le Palais de Datong dans les heures précédant l'aube, le doux clair de lune pénétrant dans une petite pièce de la cour intérieure et illuminant un lit et le visage couvert de sueur de la personne qui s'y était allongée.
Bien qu'endormi, le visage de Lu Cang était déformé en une expression disgracieuse alors qu'il était allongé sur un lit clairement confortable.
"Jing... Ne..." Se réveillant finalement de son cauchemar, il se redressa brusquement et poussa sans but, son visage paniqué - seulement pour découvrir qu'il avait appelé un certain nom dans sa désorientation, un nom qu'il n'aurait jamais dû appelé.
Reconnaissant que ce n'était qu'un rêve, Lu Cang prit des bouffées d'air frais et essaya de se calmer, puis rassembla lentement ses vêtements sur son corps avant de se placer près de la fenêtre.
Le clair de lune était faible, et le paysage qui était vibrant dans la journée était maintenant une ombre monotone, et en pensant à tout le chaos de la dernière moitié du mois, il ne put s'empêcher de soupirer.
Le père de l'Impératrice, et simultanément l'oncle de l'Empereur, Xuan Yuan Yongyi, était en prison sous l'accusation de trahison depuis deux semaines. L'Empereur Jing Zong utilisait l'interrogatoire comme couverture pour rester avec lui jour et nuit et des rumeurs circulaient dans le Palais, mais personne n'avait osé défier l'Empereur. Lu Cang avait été témoin de leurs intimités et il savait lui-même ce qu'étaient vraiment ces "séances d'interrogatoire."
Des câlins, des bisous, et puis il y avait aussi...
Des chuchotements obscènes, des attouchements, des climats apportés par un mélange de plaisir et de douleur - bien que ces souvenirs étaient plutôt lointains, le picotement persistant des touchers de Jing faisait toujours grimper la température corporelle de Lu Cang.
Mais non, il n'admettrait jamais que le chaos et l'excitation du passé avaient causés tout cela.
Lu Cang pensa au temps où il s'aimait encore, le temps avant qu'il ne se saoul de Jing. La honte l'avait consumé du fond du cœur, et il ne voulait rien de plus que d'arracher tout cet épisode rempli d'horreur de la réalité, y compris sa propre ignorance et ses émotions unilatérales.
Même s'il était le passif au début de leur relation et souffrait de douleur et d'humiliation sous Jing, cet homme était aussi beau qu'une fée et bientôt, son visage s'était imprimé dans le cœur de Lu Cang et ses caresses parfois douces avaient finalement fait tomber Lu Cang dans son étreinte gracieuse mais ferme. Lu Cang avait commencé à faire des efforts pour attirer Jing comme une sorte de femme, et même sous l'intimidation constante de Jing, il avait finalement développé des sentiments et avait complètement perdu la trace du fier Roi bandit qu'il était autrefois, son aura autrefois arrogante et dominatrice mijotait en un poussiéreux résidu.
À ce stade, Lu Cang estima qu'il devrait être reconnaissant envers Xuan Yuan Yongyi - bien que les sentiments ardents de Jing pour cet homme avaient poussés Lu Cang d'un beau rêve dans les profondeurs du désespoir, ils avaient également sorti Lu Cang d'une fosse de noyade, de dépendance - il avait laissé Lu Cang tout regarder de bout en bout avec un esprit clair, et l'amena à réaliser que toutes ses émotions étaient pharisaïques (1), un mécanisme d'adaptation à l'embarras qu'il avait traversé après que sa Majesté l'Empereur l'ait utilisé comme une sorte de bouffon avec qui se divertir après le départ de son vieil amant et avait piétiné toute sa dignité, mettant à rude épreuve chaque once de respect de soi de Lu Cang.
Alors Lu cang, à court d'idées, s'enorgueillit (2) honteusement d'être le jouet masculin de l'Empereur.
Serrant fermement ses poings, le visage de Lu Cang se tordit en un regard embarrassé et blessé - au cours des deux dernières semaines, Jing avait totalement oublié son existence. Il avait abandonné toutes les affaires de l'État et s'était livré à Xuan Yuan Yongyi, profitant du frisson de la conquête, et si ce n'était pour son petit frère Zheng régnant à sa place, les ministres intrépides et sans vergogne seraient déjà devenus encombrants.
La lune qui pendait au-dessus de l'horizon avait la forme d'un croissant et la colère inonda l'esprit de Lu Cang. La nuit de la pleine lune approchait, et il doutait sérieusement que Jing entreprenne quoi que ce soit pour atténuer les symptômes du Bi Xiao - sans ce satané médicament, il aurait depuis longtemps pris le chemin du retour vers Hangzhou.
La seule façon de le faire était de chercher Jing, de le persuader de lui donner l'antidote et de le laisser partir, alors Lu Cang pourrait vraiment en finir avec tout ce gâchis.
Quoi qu'il en soit, maintenant que Jing avait la vraie chose, un substitut moche comme Lu Cang n'avait plus aucune utilité.
Lu Cang s'était désespérément dit de rester calme, mais son cœur était toujours douloureusement tordu par le fait qu'il n'était que quelque chose à utiliser, à briser et à jeter.
Prends-le comme une leçon - ne jamais mettre ton cœur entre les mains de quelqu'un d'autre et ne surestime jamais ta position dans son cœur - Lu Cang savait que s'il se laissait à nouveau mettre dans une situation aussi dangereuse, ce serait la fin pour lui.
Consolidant tranquillement sa résolution, il décida qu'il trouverait Jing et obtiendrait l'antidote le lendemain.
Il ne voulait plus revoir Jing de toute sa vie, mais il était nécessaire d'arrêter sa douleur, et s'il ne réalisait pas ses plans, il serait désespérément piégé dans cette situation pour toujours.
Il se décida et se rallongea sur le lit, fermant doucement les yeux même s'il savait que le sommeil ne viendrait jamais. Il savait que personne ne s'en soucierait, mais il espérait pouvoir garder son sang-froid devant Jing le lendemain.
..........
Le temps s'écoula douloureusement et lentement, les premiers rayons de soleil entrèrent dans la petite pièce et Lu Cang lutta pour ouvrir ses yeux fatigués et injectés de sang. La nuit fut en effet sans sommeil - et tout cela à cause de cet homme qui avait depuis longtemps oublié son existence.
Après s'être lavé, Lu Cang choisit spécialement des robes de couleur vive dans l'espoir de se faire paraître moins déprimé.
Il fourra distraitement un petit-déjeuner dans sa bouche avant de se diriger lentement vers la résidence de Xizhen, qui était maintenant devenue l'endroit où Jing se faisait plaisir.
C'était l'endroit que Lu Cang avait évité à tout prix au cours des deux dernières semaines - les jardins étaient plus beaux que jamais et l'arche du pont contrastait élégamment avec le ciel printanier et quelques dizaines de gardes entouraient la résidence, protégeant l'Empereur et le secret caché à l'intérieur.
Lu Cang s'arrêta devant la première ligne de gardes et sentit son corps devenir froid - que ce soit parce qu'il avait peur ou parce qu'il était blessé, il ne savait pas.
Essayant de rendre sa voix calme, il s'adressa à un garde, "Lu Cang demande une audience avec sa Majesté. Grand Frère, s'il vous plaît, faites passer le message."
Le garde lui jeta un regard froid et Lu Cang se sentit comme s'il avait été poignardé mille fois puis piétiné violemment.
"Oh, je vais dire à un chambellan de passer le message, veuillez patienter ici."
Après que Lu Cang ait pensé à se suicider dix mille fois, le messager revint finalement.
"Il y a une urgence à la frontière militaire, sa Majesté est partie depuis l'aube." Sa voix aigüe transperça la façade calme de Lu Cang, et ses mots suivants replongèrent Lu Cang dans un énorme nuage de confusion, "mais le Prince Yongyi demande votre présence, il a des questions pour vous."
"... Hah ?" Un chagrin sans nom inonda les systèmes de Lu Cang, il ne voulait vraiment pas voir le visage de cette personne. Cependant, les gardes s'étaient déplacés pour se tenir de chaque côté de Lu Cang et l'avaient regardés de haut en bas d'un air menaçant et il n'avait eu d'autre choix que d'obéir et de suivre l'eunuque à travers le somptueux pont, dans la cour.
S'il ne pouvait pas supplier Jing, il pouvait aussi bien supplier le Prince que Jing gâtait - Yongyi voulait probablement qu'il parte, et il préférait que Yongyi parle à Jing de son départ plutôt que de parler à Jing lui-même.
Sans plus hésiter, il suivit l'eunuque jusqu'au bâtiment où Jing et Yongyi avaient fait les choses devant lui.
Les salles étaient bordées de sculptures et de piliers imposants d'une splendeur indescriptible - c'était l'endroit où il avait été témoin de la passion brûlante entre Jing et Xuan Yuan Yongyi, et ce feu avait également carbonisé le cœur de Lu Cang.
La vie n'est qu'un rêve - il suivit l'eunuque dans une volée d'escaliers menant à la chambre au deuxième étage, vague après vague de malaise se brisant contre son cœur.
"Prince Yongyi, le Garde Impérial Lu est arrivé." L'eunuque s'inclina devant le lourd rideau de brocart de la pièce, son humilité témoignant du respect exprimé à ce mystérieux Prince.
"Entrez", la voix de Yongyi, bien que lourdement pesée par la lassitude, sonnait mieux que la dernière fois que Lu Cang l'avait entendu.
Le chambellan parut un peu hésitant. Xuan Yuan Yongyi éleva la voix, "Laissez entrer le Garde Impérial Lu, vous sortez en premier."
"Mais", le chambellan était réticent à défier les ordres de Jing et refusa de partir.
"Je vous ai dit de rentrer, vous m'entendez !?" Xuan Yuan Yongyi était lui-même membre de la Royauté, son intimidation était d'un genre particulier. Le chambellan paniqua et se retira rapidement.
Lu Cang écarta le lourd rideau et fit un pas en avant - bien qu'il était préparé psychologiquement, la vue qui l'accueillit lui donna l'impression qu'une casserole d'eau froide avait été vidée sur sa tête, le refroidissant jusqu'aux orteils.
Xuan Yuan Yongyi ne ressemblait plus à un Héros, mais ne ressemblait pas non plus à l'animal de compagnie mâle typique auquel Lu Cang s'était attendu - ses cheveux étaient éparpillés alors qu'il était allongé sur quelques oreillers doublés de satin, et un manteau fragile était drapé au hasard sur son corps, faisant peu pour cacher les marques rouges sur tout son corps - Lu Cang pencha la tête sur le côté. Il ne connaissait que trop bien ces marques.
Le visage de Xuan Yuan Yongyi était maigre et pâle alors qu'il regardait Lu Cang.
Lu Cang esquissa un sourire et s'inclina, "Lu Cang salue Votre Altesse."
Il fit signe au bandit de s'approcher et de s'asseoir au bord du lit.
L'air de la pièce était chargé de preuves de ce qui s'était passé et cela rendait Lu Cang claustrophobe. Il s'efforça de regarder Xuan Yuan Yongyi, son visage palissait plus il restait immobile, respirant l'air sale.
"Je pense--que tu sais qui je suis, je sais aussi qui tu es." Xuan Yuan Yongyi était clairement beaucoup plus âgé que lui, et l'écart entre les deux rendait Lu Cang encore plus mal à l'aise maintenant qu'il avait soulevé ce sujet de conversation.
"Pour faire simple, je sais pourquoi tu cherches Jing maintenant..."
"Comment savez-vous--", à mi-chemin de sa phrase, Lu Cang pensa soudainement aux choses que Jing avait faites avec lui, et Jing était peu susceptible de cacher quoi que ce soit à Yongyi - il ferma la bouche et eut envie de se mordre la langue.
Xuan Yuan Yongyi rit profondément, "Je n'ai pas grand-chose à dire. Très simple, je peux te donner l'antidote au médicament Bi Xiao si tu m'apportes quelque chose en échange !"
"De quoi avez-vous besoin ?" Que restait-il dans le monde dont il avait besoin et que Lu Cang avait ? Lu Cang se moqua froidement de lui-même, mais demanda quand même.
"Très simple, aides-moi à trouver un poison qui n'a pas d'antidote.... de préférence un qui ne cause pas trop de douleur..."
"Vous..." Lu Cang sauta du lit, la première chose à laquelle il pensa était que Yongyi voulait empoisonner Jing.
"Non, tu as mal compris", Xuan Yuan Yongyi vit clairement à travers lui, et s'occupa à nier l'accusation, "Je n'oserais pas faire un tel geste sur Jing, le poison est pour moi."
"Ah...." Lu Cang fut surpris - Yongyi avait l'air totalement calme, complètement différent de quiconque voudrait se suicider.
"C'est ce qu'il y a de mieux pour nous deux, tu peux guérir le poison de ton corps, te débarrasser de la personne que tu détestes et te venger de cet ingrat de Jing..."
"Quel ingrat- ?" Il voulut sauver un peu la face, mais se souvint de l'amertume dans son cœur et avala sa défense.
"Mais pourquoi voulez-vous vous suicider ?" Il était perplexe et changea le sens de la conversation, interrogeant à la place Xuan Yuan Yongyi.
Avant de connaître Jing, c'était une personne simple et heureuse, mais même après tout ce qu'il avait traversé, l'idée du suicide était encore inconcevable et il ne pouvait pas comprendre la demande de Xuan Yuan Yongyi.
"Pourquoi est-ce que vous... vous voulez dire que vous n'avez même plus ce petit peu de courage ?" Lu Cang se sentait étrange. Il n'avait pas particulièrement de bons souvenirs avec l'homme, mais il savait que Xuan Yuan Yongyi avait fait beaucoup pour la dynastie Datong et avait apporté la prospérité à l'empire et même dans sa situation actuelle, Lu Cang ne pouvait pas penser à quelque chose de digne dans la tentative de suicide.
Xuan Yuan Yongyi l'avait entendu et hésita un instant, puis fit un geste vers la fine couette qui recouvrait son corps, "aides-moi à la soulever."
Lu Cang, plein de doutes, s'avança avec appréhension et ne put s'empêcher de haleter - les parties du corps de Xuan Yuan Yongyi qui étaient auparavant cachées étaient couvertes d'ecchymoses sombres, déconcertantes à plusieurs niveaux - mais il n'eut pas le temps de s'apitoyer sur son sort et se poussa lui-même hors du lit, "Vous--"
Xuan Yuan Yongi sourit amèrement, une expression indescriptible sur son visage - ses mains étaient attachées derrière lui par de solides cordes au lit, ses pieds également fixés dans les deux sens. Ses sous-vêtements fins n'ajoutaient guère de décence à ce tableau extrêmement obscène.
Lu Cang n'était pas étranger à une telle situation, mais trouvait toujours la vue totalement difficile à digérer.
"Penses-tu vraiment que Jing ne sait que m'aimer simplement ?" Le visage de Xuan Yuan Yongyi s'effondra, ne laissant aucune ressemblance avec le Prince Yongyi qui avait combattu courageusement sur le champ de bataille et tué des ennemis.
Lu Cang remit tranquillement la couette en place, son cœur comme un océan agité. Il ne pouvait plus rester debout tout seul et s'affala sur une chaise à côté du lit.
"Je peux aussi bien mourir... Je ne peux pas affronter mes ancêtres si je vis comme ça, je ne peux pas affronter mon frère l'Empereur, je ne peux pas affronter ma femme et ma fille." Les larmes tremblaient au bord des yeux de Xuan Yuan Yongyi, "Jing-er était affectueux avec moi depuis jeune et était resté près de moi jusqu'à ce qu'il grandisse, mais je n'ai jamais vraiment su la vraie raison derrière cela, au point où mon Frère m'a supplié de lui fiancer Zhen-er et j'ai accepté avec désinvolture... Je n'ai jamais soupçonné que... soupçonné...", Xuan Yuan Yongyi ne pouvait pas trouver les mots pour décrire les émotions désordonnées de Jing envers lui, et sa voix s'estompa.
"Le jour où Xiaozhen est revenue, j'ai bu un peu trop de vin et Jing n'arrêtait pas de m'importuner au lit avec lui, puis... puis...", il s'interrompit à nouveau.
"Après cette nuit, j'ai réfléchi pendant plusieurs jours et j'ai voulu rompre tout lien avec lui, mais je devais encore penser à Zhen-er qui devait rester à ses côtés, et je n'avais aucune intention de me soumettre non plus. Le seul moyen était de s'échapper, mais qui savait qu'il pouvait être si persistant..., maintenant que je suis dans cette situation, Zhen-er doit être si embarrassée..."
Bien que Lu Cang n'était pas lui-même un père, il comprenait à peu près les sentiments de Xuan Yuan Yongyi envers sa fille.
"Alors, ta femme."
Xuan Yuan Yongyi pâlit davantage, "Le temps peut être rude, Xiaolan (3) ... son corps était faible et il n'a pas fallu beaucoup de temps pour que la maladie prenne le dessus...", il s'étouffa sur ses mots, la voix se brisant presque.
"Lu Shaoxia (4), tu es toujours en bonne position !" Ses yeux s'illuminèrent comme une flamme silencieuse au milieu d'une nuit noire et fixèrent avec détermination le visage de Lu Cang. Lu Cang eut un peu froid sous son regard intense et ne put se résoudre à dire quoi que ce soit.
Peu importe à quel point il y pensait, il n'avait jamais considéré que la relation entre Jing et Xuan Yuan Yongyi était si profonde. Même sans le dire, Lu Cang pouvait deviner que "une nuit" mentionnée par Xuan Yuan Yongyi faisait référence à l'horreur d'être forcé au lit par Jing. C'était évident, et c'était clairement la seule chose qui pouvait amener Xuan Yuan Yongyi, qui était le chef de dix mille personnes, à renoncer à son statut de Prince et à fuir à travers la frontière.
Lu Cang réfléchit - lui donner une pilule empoisonnée en échange de l'antidote, il y avait peu de risques pour lui. Il pouvait se débarrasser du Xuan Yuan Yongyi dont Jing était amoureux, et en même temps se libérer de l'emprise de Jing et oublier à jamais le mal qu'il avait enduré.
Tout semblait parfait.
Xuan Yuan Yongyi attendait sa réponse, mais le cœur de Lu Cang était en désordre et il était incapable de prononcer un mot.
"Lu Shaoxia.....", agité par le silence de Lu Cang, Xuan Yuan Yongyi ne put s'empêcher de parler le premier.
Le silence continua.
Finalement, Lu Cang hocha doucement la tête, "Je vais retourner dans ma chambre et le chercher pour vous."
Comme s'il ne s'était jamais attendu à ce que Lu Cang soit d'accord, Xuan Yuan Yongyi sourit : "Merci... merci... Tu ne sais pas à quel point j'apprécie."
Lu Cang lui-même sourit inconsciemment en retour - il existait quelqu'un de si désireux de mettre fin à sa propre vie et était si reconnaissant envers quiconque l'aiderait.
En sortant du petit bâtiment, Lu Cang se senti comme s'il était au milieu d'un cauchemar inéluctable - il ne s'attendait pas à ce que les sentiments de Jing envers Xuan Yuan Yongyi n'étaient rien d'autre que son propre voeu pieux.
Dans un étrange reflet de sa propre situation, la personne que Jing aimait ne l'aimait pas.
Lu Cang voulait rire, mais il n'y avait pas de quoi rire, et quelques instants plus tard il trébucha vers ses quartiers dans un état second.
Il récupéra tranquillement sa trousse de médicaments dans une boîte à côté de lui et versa une petite pilule rouge - c'était un poison très puissant, et peu de gens transportaient ces choses avec eux.
Il resta assis tranquillement pendant un moment, puis se décida. Il tenait la petite bourse de brocart contre sa poitrine et avait emballé d'autres choses à emporter avec lui, puis se prépara à retourner vers Xuan Yuan Yongyi.
Les gardes l'avaient déjà reconnu, et d'ailleurs, personne n'avait osé intercepter l'invité du Prince Yongyi, il avait donc réussi à se glisser dans la chambre avec une relative facilité.
Xuan Yuan Yongyi le vit venir et son visage terne s'éclaira. Lu Cang lui glissa la petite pilule rouge et un sourire passa sur ses lèvres.
"L'antidote au Bi Xiao ?" demanda Lu Cang.
Xuan Yuan Yongyi fit un geste vers un placard au coin de la pièce, "C'est dans une boîte de jade, tu le verras une fois que tu l'ouvriras."
"Ce type vous dit vraiment tout...", Lu Cang ne savait même pas pourquoi il avait dit ça.
Xuan Yuan Yongyi sourit avec compréhension.
Lu Cang baissa légèrement la tête.
"Je vais vous donnez le poison maintenant, il prendra effet dans environ une heure, donc j'aurai le temps de m'échapper", déclara simplement Lu Cang, administrant le poison dans la bouche de Xuan Yuan Yongyi.
Une heure était plus que suffisante pour l'éloigner de la capitale - mais il ne pouvait plus retourner à Lu Cang Shan (5) et il devrait avertir rapidement ses Frères de déménager ailleurs.
Une fois l'acte accompli, Lu Cang quitta le bâtiment et se rendit dans un coin isolé de la Cité Interdite. Il s'assura que personne ne le voyait, sautant au sommet d'un arbre et par-dessus les murs du Palais, atterrissant silencieusement dans une rue vide de l'autre côté du mur - s'échapper du Palais était assez facile pour lui, mais il se sentait toujours inquiet.
Avec agilité, il utilisa son kung-fu aérien pour foncer vers la porte de la ville. Une heure..., il avait l'avantage d'une heure avant que Xuan Yuan Yongyi ne le sache.
Ce qu'il avait donné à Xuan Yuan Yongyi n'était pas du poison - il n'était pas contre le fait de tuer l'homme et il avait initialement vraiment l'intention de le faire - mais l'atmosphère de la pièce, si chargée de folie et de désir, l'avait rendu incapable de le faire pour de vrai.
Cet homme était la personne que Jing aimait de tout son cœur.
Il ne voulait plus jamais s'impliquer avec Jing, alors il avait également épargné son amant.
Plus rien ne le reliait à Jing. Lu Cang se sentit plus vivant qu'il ne l'avait été depuis très longtemps, et dans une incroyable démonstration d'agilité, il vola vers la porte avec une vitesse qui lui avait valu le titre "d'Aigle du ciel."
Les derniers mois l'avaient mis dans la confusion et Lu Cang n'en voulait qu'à lui-même - il avait clairement le corps d'un homme, mais pas l'équilibre d'un homme. Il s'était adouci et s'était laissé déchirer devant Jing comme une sorte de jeune fille entichée.
Les nuits blanches qu'il avait enduré l'avaient rendus encore plus drôle - maintenant qu'il y pensait, c'était un homme digne, mais à cause de l'indifférence d'un autre homme envers lui, il était incapable de dormir. Pendant très longtemps, il n'était qu'une énorme blague malsaine.
Il aurait dû remercier Xuan Yuan Yongyi d'être apparu et d'avoir coupé court à ses rêves fleuris. Bien que ce soit cruel, cela l'avait aidé à ouvrir les yeux et l'avait empêché de se noyer lentement dans cette douce et chaleureuse étreinte.
Les portes de l'empire Datong apparurent devant ses yeux. Tant qu'il pourrait franchir ces portes, il pourrait voler hors de l'emprise de Jing - il mettrait l'horizon entre eux deux et ne reverrait plus jamais Jing.
Il ralenti et se dirigea vers la porte pour ne pas éveiller les soupçons - s'inquiéter de quoi, Lu Cang rit de sa propre mauvaise conscience. La chose qu'il avait donnée à Xuan Yuan Yongyi n'était pas du tout toxique, rien ne pouvait mal tourner.
Mais rien n'était jamais certain--
Lu Cang n'était qu'à un demi-mille de la porte, se réjouissant prématurément de sa séparation d'avec Jing lorsque le grondement des sabots martelant le sol résonna dans les rues calmes. Le bruit d'un millier de soldats et de chevaux qui s'approchaient était engloutissant, et les visages des soldats dans la tour de guet changèrent brusquement, la panique prenant le dessus.
Lu Cang tourna la tête et vit des dizaines de troupes à cheval se précipitées d'un bout de la rue vers lui, et à leur tête se trouvait une silhouette vêtue de soie avec des yeux d'une fureur terrifiante, des yeux qui le fixaient directement - Jing.
Sans réfléchir, le corps de Lu Cang se déplaça tout seul pour voler vers les portes.
Cours juste, cours juste--bien que Lu Cang ne sache pas exactement ce qu'il fuyait, il savait qu'il avait certainement quelque chose à voir avec la horde de soldats poursuivants.
Jing fronça les sourcils et s'envola également, planant comme un météore. Alors qu'il poursuivait Lu Cang, il cria aux gardes à l'extérieur de la ville : "Fermez les portes maintenant !"
Même si aucun des gardes n'avaient reconnu l'Empereur lui-même, ils avaient reconnus les vêtements des Gardes Royaux qui chevauchaient derrière lui et s'étaient précipités pour pousser la porte des deux côtés.
Lu Cang sentit son cœur commencer à brûler et poussa désespérément vers l'avant, se rapprochant de l'écart qui se rétrécissait entre les portes. Il savait qu'il pouvait passer juste à temps, juste à temps -
Jing tendit la main vers Lu Cang - ses longs ongles saisirent durement ses épaules et lui donna un violent coup sec, faisant couler du sang.
Les portes de la ville se refermèrent et Lu Cang, saignant abondamment, s'effondra sur le sol. Il vit le ciel tourner sauvagement au-dessus de lui avant de finalement s'effondrer aux pieds de Jing.
Avant même d'avoir eu la chance d'ouvrir les yeux et d'accéder à la situation, Jing, comme une violente tempête, déversa toute sa colère sur le corps de Lu Cang...
Lu Cang se tordit et battit d'un côté à l'autre pour tenter d'échapper aux coups sauvages de Jing, mais après que Jing ait donné un coup de pied à la zone la plus vulnérable du bas de son corps, il fut impuissant à résister et git mollement sur le sol. Il serra la tête pour protéger son bras droit disloqué et serra les dents, endurant la cruauté de Jing.
Après le passage de la sauvagerie, Jing le regarda avec un calme soudain et glaçant. Lu Cang ne dit rien, mais l'attaque s'arrêta néanmoins.
La torture était loin d'être terminée.
Il tira les longs cheveux ébouriffés de Lu Cang, le forçant à lever les yeux.
"Pourquoi, pourquoi ?"
"Dis-moi, pourquoi as-tu empoisonné... pourquoi as-tu tué Yongyi ?" Son beau visage était déformé par la colère. Chacun laissant un rayon de dix pas entre eux et les deux, craignant que la rage de l'Empereur ne les frôle.
💙💜🖤💛💚🧡🤎🤍
Notes de la traductrice : 📑
(1) Pharisaïques - hypocrites, dans ce cas il faut le prendre au sens figuré/littéraire.
(2) S'enorgueillit - est un verbe pronominal du deuxième groupe qui signifie tirer de l'orgueil ou de la vanité de quelque chose.
(3) Xiaolan - est la femme de Xuan Yuan Yongyi. Lan fait partie de son nom/prénom. Il utilise Xiao- pour se référer à elle.
(4) Lu Shaoxia - Yongyi appelle Lu Cang "路少侠 = Lù shǎo xiá." "路 = Lù = route", son nom de famille. "少侠 = Shǎo xiá = jeune héros."
(5) Lu Cang Shan (露苍山 = Lù cāng Shān) - Lucangshan est le nom de la montagne 🏔 sur laquelle vit Lu Cang. Je l'ai déjà dit, Lu Cang s'écrit 路苍, qui est différent de la montagne mais qui a exactement la même prononciation.
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